
Personne n'y avait pensé, ils l'ont fait !
Sous la direction d'un metteur en scène dont chacun sait qu'il ne fait pas de miracle (cela se saurait), ils ont transformé la ville en une vaste scène, dont le décor ressemble parfois à ces villes abandonnées de western, où les virevoltants dans les rues sans vie symbolisent la désolation.
Ils y donnent parfois, dans une maison qui servait jadis d'école, pour justifier leurs indemnités d'intermittents du spectacles et respecter leur contrat, une représentation d'une rare pauvreté dont la plupart du temps ils ont oublié d'écrire le dialogue. Le spectacle rassemble de rares spectateurs attendant le réveil d'acteurs déclamant une succession de scénettes dignes des plus grand Vaudevilles. Parfois même, un souffleur leur rappelle un texte que certains découvrent le jour de "la générale". C'est un peu comme dans la "commedia dell'arte" où le texte est réduit à un canevas sur lequel les acteurs improvisent une pièce de théâtre écrite par un auteur dramatique.
Pour tenter de donner un semblant de vie au spectacle, ils s'entourent de quelques "amis" pleins de bonne volonté mais cantonnés dans des rôles "de figurants ", pas ou peu formés et sommés d'applaudir au signal. Le décor varie peu : une ancienne halle tenue depuis des années par des étais, une salle des fêtes hors normes, une poste décrépie où plus aucune diligence ne s'arrête, une église dont l'histoire s'est arrêtée au XX siècle, en même temps que son entretien, un cimetière dont le mur s'écroule doucement, une piscine percée de toutes parts, un lavoir où les paroles des lavandières ont cessé depuis longtemps de raisonner, une voirie parsemée de "nids de poules" en guise de ralentisseurs, une végétation envahissant les lieux publiques masquant, s'il le fallait, les ordures jetées ici où là, …). Peu importe, ils sont là mais à défaut "d'être", ils ont décidé de "durer", objectif louable quand, dans le langage militaire, il s'agit de tenir une position face à l'ennemi mais objectif peu glorieux quand il s'agit uniquement de préserver quelques avantages dus à la fonction. Cherchant désespérément à montrer aux badauds qu'ils s'occupent de leur bien-être, ils ont même l'audace, au lieu de les mettre en valeur, de "s'approprier" les réalisations de leurs anciens, commémorent ainsi sans complexe l'anniversaire de la construction de la salle des fêtes et bientôt celle de la poste. Qu'ils se dépêchent avant l'effondrement des halles où de l'église !
Pourtant l'affiche annonçant le spectacle pouvait sembler prometteuse et de fait, elle en a trompé plus d'un. Placardée en mars 2014 sur tout support capable de résister au poids des promesses, elle vantait "un nouvel élan", fort de l'expérience de la tête d'affiche qui se produisait déjà depuis 6 ans et de quelques "vieux acteurs sur le retour", évincés de la scène quelques années plus tôt par des spectateurs clairvoyants ayant mesuré les limites de leurs compétences. La pièce devant se jouer à 19 sous peine de se voir privée d'indemnité, les vedettes avait même été amenées à supplier quelques jeunes "seconds rôles" de venir les rejoindre, leur faisant miroiter un avenir meilleur.
Il est vrai que la première pièce jouée était alléchante et, malgré un succès mitigé, la troupe était confirmée dans son contrat. Cependant, surpris de ce succès, les acteurs se sont rapidement trouvés confrontés à l'écriture des pièces suivantes. Ecrire l'histoire de la commune pour les années à venir n'entrait pas dans leur plan d'action et ils furent rapidement atteint du "syndrome de la page blanche", celui qui frappe parfois l'écrivain au moment d'écrire son prochain roman.
La page est blanche depuis trois ans … les acteurs principaux essaient d'expliquer que leur impuissance n'est due qu'aux "autres" qui ne les financent plus (ou si peu), à croire que les autres troupes ne sont pas confrontées aux mêmes problèmes. D'ailleurs, si nous regardons bien autour de nous, le spectacle qui est donné est bien souvent de meilleure qualité ... La suite, on la connaît.
Ils ont pêché par orgueil en 2014. Manquant d'idée, mais pas de leader.
A défaut de "produire", ils pensent déjà à leur avenir, chacun en tête d'affiche évidemment !